Freins restrictifs : signes et solutions possibles
Post-partum
Par : Camille Pouxviel, ostéopathe

Temps de lecture : 2min
Ouvrez la bouche, soulevez la langue et regardez un miroir : vous y découvrirez une fine membrane qui relie la langue au plancher de la bouche, c’est un frein de langue. Nous avons aussi des freins de lèvres et de joues. Lorsque ces membranes viennent limiter les mouvements complets de la langue et des lèvres, entraînant ainsi des troubles fonctionnels, on parle de freins restrictifs. Ce sont des restes de tissus embryonnaires, formés avant la 12ème semaine de vie intra-utérine. Ils résultent d’une résorption incomplète des tissus entre la langue et le plancher de la bouche, initialement « collés » au début du développement de l’embryon.
De plus en plus de professionnels de la santé sont sensibles à ce problème et se forment pour mieux le repérer et savoir comment aider les petits patients dès la naissance. Grâce à leur expertise, ils peuvent non seulement améliorer la qualité de vie des bébés, mais aussi rendre quelques heures de sommeil bien méritées aux parents fatigués.
Quels signes surveiller chez votre bébé ?
Lorsqu’un ou plusieurs freins restrictifs empêchent la langue et les lèvres de se mobiliser correctement, certains signes cliniques sont observables chez le bébé et doivent alerter les parents. Il est important d’analyser ces symptômes de manière globale, en tenant compte de l’état général du bébé et de son confort.
Signes à observer
- Allaitement difficile : la mise en place de l’allaitement peut s’avérer compliquée, nécessitant parfois des bouts de sein. Le bébé semble avoir du mal à téter car sa langue n’avance pas assez sur la gencive inférieure.
- Succion non optimale : au biberon ou au sein, du lait peut couler de la bouche du bébé en raison d’une mauvaise étanchéité.
- Régurgitations, reflux et coliques : le bébé avale beaucoup d’air en tétant, ce qui rend la digestion difficile.
- Postures de compensation du corps : la langue est un ensemble de muscles entourés de fascias. Les tensions sous la langue se répercutent souvent dans le reste du corps.
- Difficultés d’endormissement : le bébé reste alors en état d’alerte constant, ayant beaucoup de mal à trouver le sommeil.
- Bébé aux besoins intenses : le nourrisson a besoin d’être porté en permanence pour se sentir rassuré.
- Intolérance à la position sur le dos : en raison de l’inconfort à la base du crâne, le bébé tolère mal ces positions.
- Pleurs intenses : les tensions globales et l’état général du bébé occasionnent des pleurs intenses.
- Muguet (mycose buccale) : les dépôts de lait mal nettoyés favorisent la prolifération de champignons.
- Stagnation de la courbe de poids : une succion inefficace entraîne une prise de poids insuffisante.
Les signes présentés ci-dessus doivent vous interpeller, mais ne doivent pas systématiquement être attribués à la présence de freins restrictifs.
Un des premiers points à écarter est l’allergie aux protéines de lait de vache, qui perturbe la première année de vie chez 2 à 6 % des enfants. Cette allergie peut provoquer des symptômes similaires comme l’inconfort digestif, les reflux, les pleurs intenses, les troubles du sommeil. Cette hypothèse est à envisager pour être éventuellement écartée par le médecin, pédiatre ou allergologue, et permettre la mise en place de soins appropriés pour le bébé.
Autres conséquences des freins trop « serrés »
Le rôle de la langue ne se limite pas à la succion/déglutition. La présence de freins restrictifs peut entraîner d’autres conséquences à plus long terme sur le développement et la santé de l’enfant :
- Troubles de la respiration : favorise une respiration buccale, augmentant le risque de pathologies ORL.
- Hypersensibilité du palais : le manque de contact constant de la langue avec le palais peut rendre ce dernier hypersensible.
- Croissance maxillo-faciale et orthodontie : la langue ne pouvant pas monter correctement, la croissance du maxillaire et du visage peut être compromise.
- Troubles de la phonation : affecte la mobilité de la langue, rendant la prononciation de certains sons difficile.
- Troubles du sommeil et irritabilité : affecte le système nerveux parasympathique, rendant le sommeil moins réparateur.
Ces potentielles conséquences montrent l’importance de surveiller la position et la mobilité de la langue et de prendre en charge les freins restrictifs lorsque nécessaire pour assurer le bon développement et le bien-être des enfants.
Comment aider votre bébé ?
Vous sentez votre bébé inconfortable, vous avez la sensation qu’il dort très peu, il présente plusieurs des signes énumérés ci-dessus et vous vous sentez dans une impasse ?
Il est important de vous entourer de professionnels de santé bienveillants et formés dans ce domaine qui pourront vous aider, en complément de l’avis de votre médecin ou pédiatre.
Professionnels à consulter :
- Consultantes en lactation IBCLC
- Sages-femmes
- Orthophonistes
- Ostéopathes
- Chiropracteurs
Approches de prise en charge :
- Bilan initial : observation de la posture globale et de la fonction de la langue.
- Observation de la tétée : corriger la position parent-bébé pour optimiser la succion.
- Exercices à réaliser par les parents : massages et exercices simples pour assouplir les tissus de la bouche.
Thérapies fonctionnelles :
- Ostéopathie et chiropraxie : efficaces pour relâcher les tensions du bébé.
- Orthophonie : exercices pour désensibiliser le palais.
- Intégration des réflexes archaïques : techniques pour améliorer la coordination et réduire les tensions.
Si malgré une prise en charge pluridisciplinaire, la situation ne s’améliore pas, le bébé reste très inconfortable et les parents sont de plus en plus démunis, il sera possible d’envisager une intervention chirurgicale pour libérer le(s) frein(s) trop court(s): la frénectomie.
Envisager une frénectomie
La frénectomie est une opération réalisée par un ORL, un dentiste spécialisé ou un pédiatre. Avant l’intervention, une évaluation minutieuse de l’enfant et une analyse complète de son histoire sont indispensables. Cette intervention consiste à couper un ou plusieurs des freins qui posent problème afin de permettre une meilleure mobilité de la langue et des lèvres.
Techniques de réalisation
- Ciseaux : cette méthode traditionnelle consiste à sectionner le frein à l’aide de ciseaux chirurgicaux.
- Laser : certains praticiens préfèrent utiliser un laser. Bien qu’il n’existe aucune preuve concrète de la supériorité d’une technique sur l’autre, le laser permet une incision plus précise et plus « profonde » du frein, et serait moins douloureux que les ciseaux selon une étude de 2006.
Préparation et suivi de l’intervention
Exercices préopératoires : les exercices réalisés par les parents en amont aident à désensibiliser la bouche du bébé, facilitant ainsi l’intervention. Ils permettent d’assouplir les tissus autour des freins autant que possible et de préparer la muqueuse pour que l’incision ne touche que le frein.
Exercices post-opératoires : ces mêmes exercices sont essentiels pour assurer une cicatrisation optimale sans adhérence, afin de permettre au bébé de découvrir son nouvel
espace buccal avec une mobilité retrouvée de la langue et des lèvres. Des soins post-opératoires appropriés sont cruciaux pour éviter les complications et favoriser une guérison rapide et efficace.
Accompagnement pluridisciplinaire : Au cours de ce long cheminement, il est nécessaire de se faire accompagner par des praticiens formés qui guideront les parents dans la bonne réalisation des exercices. Ces derniers doivent être pratiqués de façon ludique par les parents, et être bien tolérés par le bébé. La cicatrisation après l’intervention doit également être contrôlée.
Bénéfices de la frénectomie
Loin d’être une simple mode, de nombreuses études scientifiques depuis 2009 (plus de 500) montrent que la frénectomie améliore de façon significative la qualité de la succion chez les bébés, ainsi que les symptômes liés aux freins restrictifs, et réduit les douleurs des mères allaitantes.
Cependant, il est important de noter que cette opération n’est pas anodine pour le bébé. Chaque cas est différent et les freins restrictifs ne doivent pas être considérés de manière isolée. Tous les freins de langue courts n’ont pas nécessairement besoin d’être coupés. De plus, les bénéfices ne sont pas toujours immédiats et il peut arriver que les symptômes persistent après l’intervention.
Dans ce cas, il est crucial de vérifier si toutes les restrictions ont bien été levées et si le suivi post-opératoire a été adéquat.
La décision de réaliser une frénectomie doit être prise avec soin, en tenant compte des avis des professionnels ainsi que des observations des parents, qui connaissent leur enfant mieux que personne et jouent un rôle central dans l’évaluation du bébé.
Cet article est à titre informatif uniquement. Pour un avis médical personnalisé, veuillez consulter un professionnel de santé.
Références et ressources conseillées
- www.auseinendouceur.com Formation de Caroline De Ville, médecin et conseillère en lactation IBCLC.
- https://www.lllfrance.org/vous-informer/fonds-documentaire/allaiter-aujourd-hui-extraits/1679-aa-95-freins-de-langue-freins-de-levre-des-freins-a-lallaitement
- https://www.reseaux-perinat-hn.com/wp-content/uploads/2022/03/2021_Freins_de_langue_RPN_V1.pdf
- https://www.co-naitre.net/wp-content/uploads/2021/02/Article-freins-buccaux-restrictifs-GGF-2021.pdf
- Étude : Geddes DT, Langton DB, Gollow I, Jacobs LA, Hartmann PE, Simmer K. Frenulotomy for breastfeeding infants with ankyloglossia: effect on milk removal and sucking mechanism as imaged by ultrasound. Pediatrics 2008 ; 122(1) : e188 -e194.
- https://www.mdpi.com/1660-4601/18/9/4695
- https://www.elodie-vermeulen.com/les-freins-restrictifs/
- Étude : Ghaheri BA, Cole M, Fausel SC, Chuop M, Mace JC. Breastfeeding improvement following tongue-tie and lip-tie release: a prospective cohort study. Laryngoscope. 2017;127:1217-1223.
- https://decisionsindentistry.com/article/navigating-post-frenectomy-wound-care/
- Livre "Tongue tied", Richard Baxter, DMD, MS.
- Étude : Berry J, Griffiths M, Westcott C. A double-blind, randomized, controlled trial of tongue-tie division and its immediate effect on breastfeeding. Breastfeeding Medicine 2012 ; 7(3) :189-193.
- Étude : Buryk M, Bloom D, Shope T. Efficacy of neonatal release of ankyloglossia: a randomizedtrial. Pediatrics 2011 ; 128(2) : 280-288.
- Étude : Haytac MC, Ozcelik O. Evaluation of patient perceptions after frenectomy operation: acomparison carbon dioxide laser and scalpel techniques. J Periodontol 2006;77(11):1815-9.
- https://ijponline.biomedcentral.com/articles/10.1186/1824-7288-36-5
- "Formation Oralité" - Institut OPYA.

À retenir de l’article
Une approche globale, bienveillante et pluridisciplinaire est essentielle pour aborder ce sujet complexe et garantir une prise en charge optimale pour chaque bébé.