Comprendre les troubles alimentaires pédiatriques (TAP) ou troubles de l’oralité
Parentalité
Par : Justine Pradeau-Gratadour, orthophoniste

Temps de lecture : 2min
Que faire lorsque les repas de nos enfants ne se passent pas de manière fluide ? Souvent, on en parle à nos parents et à nos beaux-parents qui sont déjà passés par là, à des amis qui sont en plein dedans, à la nounou spécialiste de la petite enfance, à la prof de yoga qui a une écoute bienveillante ou même à la boulangère qui n'écoute pas forcément mais ça fait du bien de décharger. Chacun y va de son conseil, peut-être de son jugement. Cela peut aider, mais cela peut aussi agacer ou culpabiliser.
Si vous consultez cet article, c'est que vous et votre enfant rencontrez des difficultés alimentaires. Voici quelques repères pour savoir quand consulter et comprendre comment peut émerger un trouble alimentaire pédiatrique (TAP).
Difficultés chez le nourrisson
Voici une liste non exhaustive des difficultés que vous rencontrez peut-être :
- Endormissement pendant les tétées : elles sont éprouvantes et longues, bébé s'endort et vous devez à plusieurs reprises le solliciter pour le réveiller.
- Fuite de lait aux commissures.
- Mauvaise prise du sein ou de la tétine : on entend des « clics » fréquents, signe que le bébé lâche le sein ou la tétine.
- Douleurs importantes et persistantes de la maman à la mise au sein, crevasses, engorgement, mastites.
- Refus de goûter, refus de la cuillère.
- Difficultés persistantes à avaler le contenu de la cuillère.
- Avale « tout rond » (sans mâcher).
- Réflexe nauséeux important.
Difficultés chez l'enfant
- Grande sélectivité alimentaire, refus de la nouveauté, de certaines textures malgré une exposition régulière : à noter que vers 2-3 ans, votre enfant peut commencer à refuser certains aliments précédemment acceptés. C'est une période physiologique ; l'enfant s'oppose et s'affirme dans tous les domaines de son développement, alimentation incluse. Gardez votre cadre, proposez et demandez à ce que votre enfant goûte, en donnant l'exemple et surtout sans forcer.
- Besoin d'être distrait pour manger : vous avez mis en place des stratégies pour détourner son attention (jeux, écran, livre...).
- Réflexe nauséeux important.
- Insuffisante prise de poids, cassure dans la courbe de poids ne s'expliquant pas par un élément médical ponctuel.
- Temps très long pour s'alimenter, « fuite » du repas.
- Inquiétude parentale.
Analyse des difficultés
Une même difficulté peut s'expliquer par des causes différentes ou par une synergie de causes. L'analyse est multidimensionnelle. Dans ma pratique orthophonique, se dégagent 6 axes qui permettent de dresser un tableau le plus complet possible des enfants et de leur alimentation :
- Analyse du contexte médical et développemental : le fait de mettre en bouche pour manger est l'aboutissement d'une chaîne d'actions et d'expériences. Par conséquent, un enfant ou un bébé qui a des difficultés motrices ou sensorielles est susceptible de développer un TAP. Il en va de même pour un enfant ayant des sensations intra-buccales désagréables, dues à des maladies ORL chroniques ou à une histoire médicale traumatique (intubation, chirurgies).
- Observation de l'anatomie orale et du fonctionnement des différents muscles oraux : s'il y a des malformations (fente, frein lingual) ou que la mobilité et le tonus des muscles oraux sont altérés, il y aura des difficultés pour la succion, la mastication et la déglutition.
- Recherche d'informations sur la sensorialité globale : si toucher est difficile, il sera difficile de mettre en bouche et donc de s'alimenter.
- Observation de la respiration : une partie importante de la perception du goût provient de l'odorat. Il est donc important de respirer par le nez pour profiter au maximum de toutes ces saveurs. Un enfant qui respire par la bouche en mâchant a tendance à mâcher moins.
- Analyse des habitudes familiales autour de l'alimentation : il est important de comprendre comment s'articulent les repas pour apporter des éléments au niveau de l'installation à table et de la réponse parentale aux difficultés rencontrées.
- Analyse des habitudes alimentaires : répertoire des aliments mangés, mis en bouche ou refusés.
C'est l'accumulation de difficultés sur ces différents axes qui crée le trouble alimentaire pédiatrique.
La prise en soin peut être pluridisciplinaire (conseillère en allaitement, kinésithérapeute, médecin généraliste, orthophoniste, pédiatre, psychomotricien, sage-femme).
Quand consulter ?
Quand les difficultés décrites précédemment créent de l'inquiétude pour la santé de votre enfant, quand elles fragilisent votre confiance en vous en tant que parents ou quand elles perturbent votre relation avec votre enfant, il est temps de consulter. Faites-vous confiance, autant dans vos choix que dans vos inquiétudes.
Les enfants présentant des TAP ne sont pas mal éduqués, ils ne sont pas tout-puissants et leurs parents ne sont pas de mauvais parents.
Les TAP prennent leurs origines dans des difficultés ou fragilités propres à l'enfant. La prise en charge pluridisciplinaire porte sur ces difficultés spécifiques. Parallèlement, un travail sur la réponse parentale est aussi proposé pour qu'elle soit la plus adaptée possible.
Gardez en tête que vous êtes l'accompagnant, le garant du cadre des expériences de votre enfant, mais vous n'êtes pas responsables de la manière dont votre enfant va se saisir de ce que vous mettez en place.
TAP ou pas TAP, n'hésitez pas à demander conseils et faites-vous confiance !

À retenir de l’article
Faites-vous confiance, autant dans vos choix que dans vos inquiétudes.