L’ambivalence maternelle : aimer ses enfants tout en regrettant certains aspects
Parentalité
Par : Parentela

Temps de lecture : 3min
La maternité est une expérience à la fois merveilleuse et éprouvante, où l'amour pour ses enfants se heurte souvent à des sentiments de frustration, de fatigue et parfois de nostalgie ou même de regret face à la perte de certaines libertés. Ce phénomène, appelé ambivalence maternelle, est fréquent bien que peu souvent évoqué. On peut aimer ses enfants de tout son cœur, tout en détestant certains aspects de la parentalité, ou encore rêver de moments sans eux tout en sachant qu'ils nous manqueraient. Mais pourquoi ressent-on cette ambivalence ?
Un changement identitaire
Les pensées ambivalentes concernant la parentalité peuvent se manifester sous différentes formes :
- « J’adore mes enfants, mais parfois, j’aimerais retrouver mon insouciance. »
- « J’aimerais pouvoir partir en week-end sans eux, mais je sais que je me sentirais coupable ou qu'ils me manqueraient. »
- « Parfois, je regrette ma vie d’avant, mais je ne l’échangerais jamais contre celle-ci. »
Ces phrases peuvent sembler paradoxales, mais elles sont le reflet d’une complexité émotionnelle propre à la parentalité. Reconnaître cette ambivalence est essentiel pour briser le tabou autour de ces sentiments, car ils sont souvent source de culpabilité et de doute chez les parents.
Avec la maternité vient une transformation de l'identité. En devenant mère, on gagne un nouveau rôle, mais parfois au prix d'une perte de liberté et d'autonomie. Les mères peuvent ressentir un deuil de leur ancienne vie, une nostalgie pour cette époque où elles étaient libres de leurs mouvements, de leurs choix, et de leur temps. Ce sentiment de perte peut créer un tiraillement : l'amour immense pour ses enfants cohabite avec une certaine forme de regret ou de frustration face aux sacrifices exigés.
La liberté perdue et retrouvée
La perte de liberté ressentie par de nombreuses mères peut parfois conduire à une nostalgie de leur vie antérieure, sans pour autant diminuer l'amour qu'elles portent à leurs enfants. Cette nostalgie est naturelle, mais il est possible de l’équilibrer en apprenant à intégrer des moments pour soi dans la vie parentale.
Devenir parent s'accompagne d'une responsabilité accrue : répondre aux besoins de l'enfant, garantir sa sécurité et sa santé, et rester constamment vigilant. Les parents doivent être attentifs à chaque détail du quotidien, surveiller les comportements de l’enfant, et anticiper ses besoins. Cette vigilance constante peut paraître écrasante et transformer le quotidien en une série d'obligations ininterrompues.
Trouver un équilibre entre ces responsabilités et des moments personnels est essentiel pour redéfinir sa liberté au sein de la parentalité. Désirer du temps pour soi n'est pas égoïste, mais plutôt vital pour maintenir un équilibre émotionnel et éviter l'épuisement. Avoir une vie en dehors des enfants n’indique pas un manque d'amour, mais est un besoin de préserver sa santé mentale et ainsi offrir le meilleur de soi-même à ses enfants. En intégrant des moments de liberté dans la vie quotidienne, il est possible de conjuguer la parentalité et bien-être personnel.
L’ambivalence maternelle, fruit de la complexité de nos vies modernes
L'ambivalence maternelle est enracinée dans la complexité de nos vies modernes et dans les attentes sociales énormes qui pèsent particulièrement sur les mères.
D'une part, la société idéalise l'amour maternel inconditionnel, peignant les mères comme des figures sacrées, toujours disponibles, patientes et dévouées.
D'autre part, elles sont confrontées à la réalité de la charge mentale : jongler entre le travail, les tâches domestiques, l'éducation des enfants, et encore trouver du temps pour soi est presque un défi insurmontable.
L’influence de la charge mentale
Le poids invisible de la charge mentale qui consiste à anticiper, organiser et planifier la vie de la famille peut renforcer le sentiment d’ambivalence maternelle. C'est un fardeau que les mères portent parfois seules, ce qui ajoute à la fatigue et au stress quotidien. Le fait d’avoir un enfant augmente considérablement la charge mentale à laquelle les mères sont confrontées. Il est alors logique que les mères rêvent parfois d’une vie plus simple, avec moins de responsabilités tout en aimant profondément leurs enfants.
De plus, être à la fois une mère, une compagne, une professionnelle accomplie et une femme épanouie peut entraîner un sentiment d'insatisfaction ou de conflit intérieur. La société pousse à la performance dans chacun de ces rôles, ce qui crée des tensions. Les mères sont souvent perçues comme devant se sacrifier pour le bien de la famille, sans laisser de place à leurs propres besoins.
Ce sacrifice est ancré dans les normes sociétales, où l'attente est que la mère soit toujours au service des autres : son couple, ses enfants, son travail, sans laisser de place à leur propre épanouissement. Ce modèle peut conduire à un épuisement émotionnel.
L'acceptation de l'ambivalence pour une parentalité sereine
L'acceptation de cette ambivalence est une étape clé pour parvenir à une parentalité plus sereine. Les mères doivent se donner la permission d'éprouver des sentiments contradictoires et apprendre à lâcher prise sur l'idée de perfection. Le concept de "mère suffisamment bonne", proposé par le psychologue Donald Winnicott, rappelle cela. Vouloir être une mère parfaite est une source de stress inutile.
Les moments de doute ou de rêve de retrouver du temps pour soi sont normaux et peuvent être réintégrés dans la vie quotidienne, même au cœur de la parentalité.
Il est donc utile de bien comprendre que l’ambivalence maternelle n’est pas un défaut ou quelque chose de honteux à cacher, mais un reflet des multiples contraintes et responsabilités auxquelles les mères sont confrontées. Voici quelques pistes pour mieux vivre cette ambivalence :
- Accepter ses émotions : Il est normal d’éprouver des sentiments contradictoires. Les reconnaître sans culpabilité est le premier pas vers un équilibre émotionnel.
- Se ménager du temps pour soi : Il est important de retrouver des moments de liberté pour éviter l'épuisement. Cela ne signifie pas que vous êtes une mauvaise mère, mais une personne qui a des besoins propres.
- Communiquer avec son entourage : Le partage des responsabilités avec le partenaire ou les proches permet de soulager la charge mentale.
- Redéfinir ses attentes : Abandonner l’idée d’être parfaite peut être libérateur. Il est important de réaliser que personne ne peut être remplir plusieurs fonctions à la fois sans faire de compromis.
Références et ressources conseillées
- "Tu seras une mère féministe : Manuel d'émancipation pour des maternités décomplexées et libérées" de Aurélia Blanc.
- "Choisir d’être mère" de Renée Greusard.

À retenir de l’article
L’ambivalence maternelle est souvent le reflet des multiples contraintes et responsabilités auxquelles les mères sont confrontées.